Euskal kantutegia
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BEREZKO TESTUA
1. Est-il rien, sur la terre,Qui soit plus surprenant
Que la grande misère
Du pauvre Juif errant ?
Que son sort malheureux
Paraît triste et fâcheux !
2.Des bourgeois de la ville
De Bruxelles, en Brabant,
D'une façon civile,
L'accostent en passant.
Jamais ils n'avaient vu
Un homme aussi barbu !..
3.Son habit, tout difforme
Et très mal arrangé,
Fit croire que cet homme
Etait fort étranger,
Portant, comme ouvrier,
Un simple tablier.
4.On lui dit : « Bonjour, maître ;
De grâce, accordez-nous
La satisfaction d'être
Un moment avec vous.
Ne nous refusez pas,
Ralentissez vos pas.
5. Messieurs, je vous proteste
Que j'ai bien du malheur :
Jamais je ne m'arrête,
Ni ici, ni ailleurs :
Par beau ou mauvais temps,
Je marché incessamment.
6.Entrez dans cette auberge,
Vénérable vieillard,
D'un pot de bière fraîche
Vous prendez votre part.
Nous vous régulerons
Le mieux que nous pourrons.
7.J'accepterai de boire
Deux coups avec vous,
Mais je ne puis m'asseoir ;
Je dois rester debout ....
Je suis, en vérité,
Confus de vos bontés.
8.De connaître votre âge
Nous serions curieux ;
A voir votre visage,
Vous paraissez fort vieux ;
Vous avez bien cent ans,
Vous montrez tout autant.
9.La vieillesse me gêne :
J'ai bien dix-huit cents ans ;
Chose sûre et certaine,
Je passe encore douze ans ;
J'avais douze ans passés,
Quand Jésus-Christ est né !
10.N'êtes-vous point cet homme
De qui l'on parle tant,
Que l'écriture nomme
Isaac,Juif, errant ?
De grâce, dites-nous
Si c'est sûrement vous ?
11.Isaac Laquedem
Pour nom me fut donné ;
Né à Jérusalem,
Ville bien renommée.
Oui, c'est moi, mes enfants,
Qui suis le Juif errant.
12.Juste Ciel, que ma ronde
Est pénible pour moi !
Je fais le tour du monde
Pour la cinquième rois !
Chacun meurt à son tour,
Et, moi, je vis toujours.
13 Je traverse les mers,
Les rivières, les ruisseaux,
Les forêts, les déserts,
Les montagnes, les coteaux,
Les plaines, les vallons ;
Tous chemins me sont bons.
14.J ai vu dedans l'Europe,
Ainsi que dans l'Asie,
Des batailles et des chocs
Qui coûtaient bien des vies :
Je les ai traversés
Sans y être blessé.
15.J'ai vu dans l'Amérique,.
C'est une vérité,
Ainsi que dans l'Afrique,
Grande mortalité :
La mort ne me peut rien,
Je m'en aperçois bien.
16.Je n'ai point de ressource
En maison ni en bien :
J'ai cinq sous dans ma bourse,
Voilà tout mon moyen ;
En tous lieux, en tout temps,
J'en ai toujours autant.
17.Nous pensions comme un songe
Le récit de vos maux ;
Nous traitions de mensonge
Tous vos plus grands travaux ;
Aujourd'hui nous voyons
Que nous nous méprenions.
18.Vous étiez donc coupable
De quelque 'grand péché,
Four que Dieu tout aimable
Vous eût tant affligé ?
Dites-nous l'occasion
De cette punition.
19.C'est ma cruelle audace
Qui fait tout mon malheur ;
Si mon crime s'efface,
J'aurai bien du bonheur.
J'ai traité mon Sauveur
Avec trop de rigueur.
20.Sur le mont du Calvaire
Jésus portait sa croix ;
II me dit, débonnaire,
Passant devant chez moi :
Veux-tu bien, mon ami,
Que je repose ici ?
21.Moi, brutal et rebelle,
Je lui dis sans raison :
Ote-toi, criminel,
De devant ma maison ;
Avance et marche donc,
Car, tu me fais affront.
22.Jésus, la bonté même,
Me dit en soupirant :
Tu marcheras toi-même,
Pendant plus de mille ans ;
Le dernier jugement
Finira ton tourment.
23.De chez moi, à l'heure même,
Je sortis bien chagrin ;
Avec douleur extrême,
Je me mis en chemin.
Dès ce jour-là, je suis
En marche jour et nuit.
24.Messieurs, le temps me presse ;
Adieu la compagnie !
Grâce à vos politesses ;
Je vous en remercie.
Je suis bien tourmenté
Quand je suis arrêté."