Luzien Etxezaharreta: "Le chemin commencé dans Maiatz il y a vingt ans continue car la vie nous pousse toujours vers l'avant"

2000-09-08

BUTRÓN, Ainize

Elkarrizketa: Luzien Etxezaharreta Luzien Etxezaharreta, journaliste reporter "Le chemin commencé dans Maiatz il y a vingt ans continue car la vie nous pousse toujours vers l'avant" * Traduction au français de l'original en basque Ainize Butron Même si nous connaissons Lucien Etxezaharreta par sa profession de journaliste à la radio Gure Irratia, il faut savoir que depuis plus de vingt ans il fait la promotion de la littérature basque en Iparralde. Plus précisément, par l'intermédiaire de la revue littéraire Maiatz et par des émissions sur la littérature basque à la radio, Lucien Etxezaharreta a l'occasion de se rapprocher des auditeurs et des lecteurs des provinces du Labourd, de la Soule et de Basse Navarre. Ces dernières années, il publie aussi dans Maiatz des poésies, des nouvelles, des traductions. Même si aujourd'hui du matériel existe pour propager la littérature basque, pour arriver à cette situation, le chemin a été long pour lui et pour tous ceux qui ont collaboré à la promotion de la littérature basque. Depuis les années soixante, beaucoup d'années se sont écoulées, mais les préoccupations et les inquiétudes du début, sont toujours d'actualité chez les auteurs d'Iparralde. Ce journaliste écrivain militant de la littérature basque nous rappelle les péripéties qui se sont déroulées lors de ces trente années. Depuis toujours la littérature a eu de l'importance dans la culture en Iparralde. Depuis que vous avez créé la revue Maiatz, vous avez essayé de propager cette culture comme tant d'autres écrivains et poètes. Pouvez vous nous rappeler dans quelles conditions vous aviez démarré Maiatz? Comme beaucoup de militants, j'avais l'inquiétude de l'euskara. Cela date de longtemps: quand j'étais étudiant, en 1964, j'avais débuté dans la revue " Egia " des étudiants basques de Bordeaux. En regroupant divers groupes de Pau, Paris, Bordeaux et Toulouse, nous avions créé la revue "Ikasle" en 67 qui dura jusqu'en 69. Nous distribuions cette revue dans les universités.Comme beaucoup d'autres écrivains, j'ai débuté dans l'hebdomadaire Herria, en écrivant quelques chroniques, particulièrement sur la vie des étudiants. Dès ces débuts, il y a une trentaine d'années, je m'étais vite rendu compte de l'importance de l'euskara pour la culture basque. D'autre part, il faut souligner que les abertzale en Iparralde, autour d'Enbata, étaient aussi des euskaltzale, des "bascophiles" réclamant un statut pour l'euskara. Dans ces années soixante, on avait conscience que l'euskara ne constituait pas une priorité au Nord: par exemple, il n'existait pas de dictionnaire basque. Même si aujourd'hui cela paraît invraisemblable, si vous vouliez écrire en basque, et que des mots vous manquaient, nous n'avions que le lexique de Tournier Lafitte ou celui de Lhande. Celui d'Azkue, de 1905, était introuvable, voire inconnu. Dans les années 68 et 69, faisions des stages, dans une association qui s'appelait " Amaia ". Nous avions invité Pierre Lafitte et il nous avait raconté l'histoire de la littérature basque au cours d'une conférence mémorable à Landagoyen (Ustaritz). Comme beaucoup d'autres, j'avais intégré la défense de l'euskara dans la défense du Pays Basque. Nous estimions important d'apprendre la langue et d'avoir une bonne connaissance de la littérature basque. C'est autour de la littérature que vous avez créé la revue Maiatz, le principal objectif étant de propager la langue et la littérature basque, n'est ce pas? C'est excessif de dire que nous avons voulu créer une revue autour de la littérature basque. Le but était d'offrir un espace de création aux écrivains d'Iparralde. A ce propos, je me souviens d'une réunion à l'abbaye de Belloc, à la fin des années 70 où nous avions invité tous les écrivains connus en Iparralde. Lors de cette réunion, nous nous étions rendu compte, que de nombreux étudiants, ingénieurs ou enseignants avaient aussi la facilité de s'exprimer et d'écrire en basque. Avec les plus âgés, Piarres Charritton ou Iratzeder, se trouvaientdes jeunes, comme Itxaro Borda, qui écrivait depuis l'âge de dix ans. Dans ces années là, la revue "Gure Herria" avait disparu et même si l'hebdomadaire Herria, proposait quelque place à la création littéraire, en fait aucun lieu n'existait pour écrire en Iparralde. Le franquisme qui sévissait en Hegoalde, fermait toutes les portes. Il y avait quand même un mouvement, autour de jeunes auteurs. Autour du basque, c'était encore la clandestinité même si les prémisses d'une sorte de renaissance culturelle étaient làS Face à cela, nous avons toujours ressenti qu'en Iparralde nous devions faire quelque chose. On sentait germer en Hegoalde une force considérable avec une foule de nouvelles revues et d'écrivains, alors que nous en Iparralde, nous étions faibles. Quels objectifs vous fixiez vous? Il nous semblait, au regard de notre situation, que des revues comme Gure Herria n'étaient pas capables de stimuler la création. Nous étions conscients intuitivement de cette réalité, et nous voulions faire un effort de renouvellement. Alors nous avons créé Maiatz. Ayant terminé mon séjour parisien et me lançant dans la radio j'étais retourné au Pays Basque en 1981. J'avais eu un contact avec Itxaro Borda et toute une nouvelle génération s'était réunie: Manex Lanathua, Aurelia Arkotxa, Eñaut Etxamendi, Mayi Pelot et beaucoup d'autres. Sans aucun doute, il y avait une volonté très forte d'écrire. Nous sentions qu'il y avait aussi un désir d'un monde littéraire nouveau en contact avec la nouvelle réalité du pays, en phase avec les changements sociaux importants qui se produisaient. En Iparralde, les jeunes avaient quitté le pays et une évolution culturelle majeure contre le basque se produisait . Nous sentions les effets néfastes de la télévision et l'euskara commençait à disparaître à grande vitesse. L'ancienne association publique Euskaltzaleen Biltzarra qui oeuvrait pour la défense de la langue basque, perdait tout prestige et efficacité, Ikas balbutiait. Il y avait un grand videautour de l'euskara. Après la réunion de Belloc, nous pensions que nous avions les moyens de créer autre chose. Lorsqu'on se rend compte des difficultés rencontrées à cette époque, on s'imagine que mettre en marche une revue comme Maiatz n'a pas été facile? Oui, je reconnais que créer cette revue a été difficile. Nous avons rencontré beaucoup de problèmes pour publier les deux premiers numéros. Le succès fut une surprise, quand nous avons sorti notre premier numéro en février 1982. La thématique du début était imprécise même si nouveauté et création étaient évidentes. Nous avons hésité sur l'aspect "études littéraires". Xarriton était membre dans les premiers temps. Il nous avait demandé, si on pouvait éditer des travaux de recherches universitaires ou d'analyses littéraires. Il est apparu qu' il n'y avait pas de place pour publier de tels articles qui pourtant, vu notre ignorance générale étaient bien nécessaires. A cette époque ce n'était pas possible de publier dans Maiatz de tels articles. De plus, nous recevions beaucoup de textes et on sentait augmenter l'envie d'écrire. D'année en année les conditions se sont améliorées et nous venons de publier le numéro 33. Même si nous connaissons des hauts et des bas, on peut affirmer que la revue Maiatz recueille les écrits des jeunes auteurs en Iparralde. Nous avons fonctionné sans aides financières. Ces dix dernières années, l'Institut Culturel Basque nous a attribué une subvention. Mais notre appui principal est cette volonté d'écrire. Il est important d'ajouiter qu'en même temps que la revue, à partir de 84, nous avons publié une série de livres. Nous en avons publié 45. Le premier fut celui d'Itxaro Borda. Plusieurs auteurs sont ain si "nés": Aurelia Arkotxa, Manex Lanathua, Henriette Aire, Maddi Pelot, Jakes Ahamendaburu, Mailuix Legorburu, Koldo Ameztoi et d'autres. Cela nous fait plaisir de savoir que nous avons été les premiers à les publier. C'est franchir ce premier pas de l'édition qui est le plus difficileet c'est le plus important chez un écrivain. Peut on dire que vous avez effectué un travail de militant en voulant promouvoir la littérature basques C'était un acte volontaire mais c'était et c'est un militantisme naturel. Mais hélas, ici en Iparralde, ainsi qu'en Hegoalde le militantisme abertzale n'est pas toujours en relation directe avec le soutien à l'euskara. Mais pour nous c'était évident, sans l'euskara il n'y a pas de Pays Basque. Pour cette raison, et pour beaucoup d'autres, la littérature a une fonction importante par rapport à la langue. Elle la fixe, elle la travaille, elle crée un espace culturel, un ima ginaire. Dans ces années soixante dix, beaucoup de "bibliothèques vivantes" disparaissaient, des personnes âgées qui parlaient correctement la langue. Nous mesurons aujoiurd'hui combien nous avons perdu d'expressions et de locutions. Pour un écrivain, il y a beaucoup de raisons de créer. Ce militantisme était un devoir et l'est toujours, pour sauvegarder la richesse des dialectes d'Iparralde, pour les faire vivre et créer la nouvelle littérature d'aujourd'hui.Faire vivre l'euskara, c'est l'actualiser en exprimant notre époque. Dès nos premiers numéros, nous avons publié des textes provocateurs, érotiques. Maintenant on traite beaucoup autour de ces sujets et les écrivains d'Hegoalde en sont friands. Nos thèmes souvent traitaient d'un monde nouveau mais toujours en continuité avec une mémoire. Dans notre production se réflète la crise morale et sociale du Pays Basque. Dans ces années soixante dix, comme actuellement, peut on dire que ceux qui ont participé dans la revue Maiatz, ont inventé la littérature en Pays Basque Nord? Non, on répète, on modifie, on remodèle, on adapte et nous nous flattons de reprendre notre langue ancienne. J'ai souvent conscience, que les textes d'autrefois sont toujours d'actualité. On oublie trop les choses d'avant et la société actuelle doit y faire attention. Mais, la nouveauté et la création existent. Il est clair que lesécrivains d'aujourd'hui ont une formation très différente d'il y a cinquante ans, loin d'être dans le giron francophone elle est véritablement internationale. Cette nouvelle formation culturelle internationale, particulièrement celle de l'école à l'université ou encore l'influence de la télévision, nous connectent avec le monde entier. Avec Internet cela va grandissant. Ainsi, les expériences littéraires du monde entier nous parviennent et constituent une manne pour la nouvelle littérature Mais le grand problème en Iparralde, est le peu de lecteurs: les bascophones sont peu nombreux, souvent analphabètes dans leur langue. L'euskara est toujours mis à l'écart: peu d'enseignement, absence de la vie publique, mais une volonté existe dans la population. On peut parler de littérature contemporaine en Iparralde. Mais, la littérature du passé aussi nous donne, comme dans les autres littératures, des références. Avec ces références aussi, on construit une langue. Tout cela fait la création. Il faut continuer le chemin repris par Maiatz il y a vingt ans, parce que la vie nous tire toujours vers l'avant et que l'euskara en vaut la peine. Peut on dire qu'existe en Iparralde, un particularisme de la littérature. La littérature d'Iparralde est très reliée à celle d'Hegoalde. Aujourd'hui, on ne peut pas parler de "littérature d'Iparralde", plutôt de "littérature basque" dans son ensemble. L'identité de la littérature d'Iparralde s'appuie sur la place des dialectes. Chez certains écrivains d'Iparralde, on note une influence plus ou moins importante d'Hegoalde et ceci prouve les relations qui existent naturellement. En effet, les écrivains d'Iparralde lisent les ouvrages des auteurs d'Hegoalde et font l'effort de franchir leurs différences dialectales, ce qui n'est pas toujours le cas dans le cas inverse. Ces vingt dernières années, nous avons souvent collaboré. Il y a toujours eu un pont entre nous et nous avons ressenti et apprécié leur influence. Au delà d'une activité communeet même de la problématique de la langue, il faut rappeler que, la littérature est aussi un acte personnel et chaque écrivain subit ses propres influences, a sa propre culture et connaissance et les transcrit sur le papier. En outre, la littérature du Pays Basque, s'inscrit de plus en plus dans la culture universelle, les livres se traduisent en plusieur langues. Les écrivains d'Iparralde ou d'Hegoalde reçoivent les mêmes types d'informations aujourd'hui. On peut dire que les littératures des deux côtés de la frontière se rapprocheront de plus en plus. Mais j'ajouterais que, quand même, les écrivains d'Iparralde ont une dette envers ceux qui nous ont enseigné et parlé le basque: nos parents, les enseignants. Gràce à eux, nous possédons cette richesse et nous devons faire un effort pour bien apprendre et bien parler notre diaclecte d'Iparralde afin d'en exprimer les richesses sur le fonds commun d'euskara unifié qui se profile dans le siècle à venir. Vous faites allusion à l'influence internationale, comment voyez vous l'avenir de la littérature basque? Aujourd'hui je découvre combien il y a d'écrivains intéressants en Bosnie. Comme les autres, je me rends compte combien leurs approches littéraires sont voisines de nous. Ce n'est qu'un exemple. Il me semble que les acteurs littéraires de langues minoritaires devraient s'unir. Par exemple, établir des échanges entre la Bretagne, l'Occitanie, la Corse, faire des traductions. C'est d'actualité: partout des rencontres littéraires se mettent en place entre écrivains de langues minotaires d'Europe. Nous avons beaucoup à gagner, nous avons tous les mêmes problèmes envers l'avenir en particulier ceux de la construction de nos langues. L'avenir de la littérature basque se situe dans cette construction européenne. Photographies: Ainize Butron Euskonews & Media 90.zbk (2000 / 9 / 8 15) gratuita | Abonnement gratuit | Free subscription Eusko Ikaskuntzaren Web Orria webmaster@euskonews.com http://ikaskuntza.org/cgiBanner/banner.cgi?datos=masters&link=www.euskoikaskuntza.org/masters/index.htm http://ikaskuntza.org/
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