Itxaro Borda: "La poésie est un désir de vie et une façon de sentir le Monde"

2000-06-23

URKIZU, Urtzi

Elkarrizketa: Itxaro Borda Itxaro Borda, écrivain "La poésie est un désir de vie et une façon de sentir le Monde" * Traduction au français de l'original en basque Urtzi Urkizu Itxaro Borda, écrivain basque de Basse Navarre est postière de profession. Née en 1959 à Bayonne, mais fidèle à son esprit nomade, elle a vécu dans différents lieux : Paris, MauléonS Licenciée en histoire et en études agricoles. Responsable de publication de la revue Maiatz de 1981 à 1991; actuellement elle y collabore en écrivant des articles. Parmi les livres qu'elle a écrit on peut citer son roman Basilika, son livre de poèmes Bestaldean, et son recueil de poèmes Bizitza nola badoan. Depuis son enfance, elle écrit tous les jours. Elle vient de terminer un roman, non édité encore. D'autre part, ces dernières années elle s'investit beaucoup dans Seaska, fédération des ikastolas en Iparralde. Tous les mardis on peut lire sa chronique dans le quotidien basque Egunkaria dans la rubrique Seiko urrean. Itxaro Borda, cette humoriste navarraise qui se déplace d'un endroit à l'autre est d'un caractère gai. Lorsque nous lui avions donné rendez vous dans un café à Bayonne, elle nous avait salués en plaisantant et pour nous quitter elle le fit avec autant d'humour. Vous avez fait des études agricoles et d'histoire. Que vous a apporté chaque domaine et pourquoi les aviez vous choisis? J'ai suivi les études agricoles jusqu'à la fin du second cycle. J'ai appris l'économie mondiale agricole et les lois qui la régissent. J'ai eu un professeur extraordinaire en économie: Eñaut Etxamendy. Il nous avait conditionné dans la façon de voir le monde. Etxamendi est connu en tant que chanteur et auteur hors du commun. Grâce à lui et à d'autres personnes, nous avions un point de vue de l'agriculture. Jusqu'à présent nous avions connu une agriculture traditionnelle, qui a longtemps duré, mais grâce à ces études j'ai compris les changements et les nouveaux paramètres. D'autre part, depuis mon enfance, j'ai toujours aimél'histoire. Vraiment j'ai eu beaucoup de plaisir à l'apprendre. Aujourd'hui je me sers de l'histoire et de l'agriculture comme modèle d'environnement. Par contre, d'autres écrivains sont plus littéraires que moi. Ma formation est différente, je suis plutôt favorable à une idéologie socio culturelle. Vous avez plusieurs frères et s:urs? Oui nous sommes sept. Je suis l'aînée. Nous avons tous eu la même formation idéologique, ici sur place. Nous avons tous étudié l'agriculture avec ce point de vue particulier. Nous sommes une grande famille, comme une tribu d'autrefois. Vous avez commencé très jeune dans la littérature. Lorsque la revue "Maiatz" a été publiée pour la première fois, vous aviez 22 ans et votre signature paraît déjà alors. Comment avez vous commencé à écrire? A dire vrai, j'ai commencé à écrire à l'âge de 12 ans. Jusqu'à l'âge de 6 ans, je n'ai parlé que le basque. Etant donné l'âge obligatoire de la scolarité à 6 ans, j'ai commencé alors à parler le français. Petit à petit j'ai perdu l'habitude de parler en basque. J'avais un oncle à Paris, qui me donnait des dictionnaires, des livres et des disques. A nouveau, petit à petit j'ai commencé à m'intéresser au basque et à le lire. J'étais très jeune, quand j'ai commencé à écrire, en 1974 mon premier article a été publié. Depuis lors, toutes les semaines, j'écris des bertsu, des articles, de la poésie ou d'autres. Depuis 1981 je collabore à la revue Maiatz. J'ai tenu le poste de responsable de direction pendant plusieurs années. J'ai fait des traductions, donné des informations, des critiques, sur d'autres revues traditionnelles littéraires. Comment vous souvenez vous des débuts de "Maiatz"? Je me souviens de ces temps là avec beaucoup d'émotion. Cette année là eut lieu en France un changement de gouvernement; après plusieurs dizaines d'années de gouvernement de droite, la gauche avait gagné les élections, 30 ans que la droite était restée au pouvoir. Les gens étaient pleins d'illusion.. Nous pensions tousque tout était possible. On pouvait même en Iparralde avoir notre revue littéraire basque. La revue Maiatz ne ressemblait pas aux publications périodiques littéraires d'Hegoalde. En Hegoalde, ceux d'une même tranche d'âge, d'une même culture, qui avaient fréquenté les mêmes écoles se rassemblaient. En Iparralde, tous ceux qui se considéraient écrivains se réunissaient autour de la revue Maiatz; ceux de tous âges, de tous styles, en tout une quarantaine. Ces années là on débattait beaucoup, ce qui est normal. Par exemple, quelqu'un comme Xarriton n'avait pas le même point de vue que Lucien Etxezaharreta. Tous se retrouvaient dans Maiatz, et en vingt ans on n'a refusé aucun texte. Maintenant je travaille moins dans Maiatz, mais je collabore toujours. De la même manière Maiatz est comme un tremplin pour les jeunes écrivains. Avant on commençait à écrire pour Herria les nouvelles des villages ou quelques articles d'opinion. Ces dernières années Maiatz joue ce rôle. En Iparralde, celui qui se sent écrivain adressera ses textes à Maiatz. En ce qui concerne les lecteurs de Maiatz, des militants, à un moment donné nous vendions un millier d'exemplaires. Maintenant je ne sais pas qu'elle est le nombre exact de lecteurs. Depuis toujours vous avez écrit des poèmes. Votre recueil de poèmes, 1974 1984, " Bizitza nola badoan (Ainsi va la vie) ", quelle influence a eu la réflexion sur le temps passé? A ce moment là j'avais maximum 25 ans. Il est vrai que j'avais approfondi les connaissances de la littérature française, surtout certains écrivains, comme Chateaubriand. J'aime beaucoup les textes de Voltaire. Mon recueil de poèmes est très romantique, une réflexion sur le temps passé. On dirait un classique romantique, j'avais alors une vue théorique du temps passé. Aujourd'hui, dans la vie, je suis plus pragmatique, même lorsque j'écris. J'ai toujours écrit des poèmes et aujourd'hui je continue. La poésie n'est pas un péché de jeunesse, comme le disent certains. La poésie est un désirde vivre et une manière de sentir le Monde. D'après moi, au fur et à mesure que les années passent, on voit qu'on se rapproche de la vérité. Je la sens ainsi cette philosophie. Suivre notre courant intérieur, c'est magnifique et voir où nous amènent les passions de la poésie. Je sais que mes livres ne sont pas parfaits, que ce ne sont pas des modèles, mais ils sont témoins de certains moments particuliers et dans une certaine mesure sont la prémolition du prochain livre. J'aime beaucoup lire la poésie. Certains de vos poèmes sont pessimistes. Vous aussi êtes pessimiste? Au fond de moi même, je suis pessimiste. Et puis pour exprimer mon fonds intérieur j'utilise l'ironie. Grâce à l'ironie et à l'humour j'ai une manière de surmonter le pessimisme et de continuer à vivre. D'un côté je suis romantique et pessimiste et d'autre part optimiste. D'autre part, vous avez traduit des textes du français au basque. C'est un travail difficile n'est ce pas? Bon, moi je n'ai pas traduit de roman entier. Ce que j'ai fait, c'est traduire quelques poèsies pour Maiatz, j'appellerais cela plutôt un travail approximatif. Comme documents, j'ai traduit des poèmes du français au basque, mais ce n'est pas un travail facile. Je n'aurais pas le temps de traduire un livre. Si j'avais le temps, je traduirais tous les poèmes du palestinien Mamoud Darwich. Pour traduire des romans, il me semble qu'une formation est nécessaire. Est ce que l'on traduit davantage des textes du basque dans d'autres langues? Vous nous avez parlé de votre vie de nomade. Vous avez travaillé comme postière à Paris. Quelle expérience en retirez vous? D'un côté, j'ai des mauvais souvenirs, j'ai dû vivre séparée de ma fille pendant quatre ans et demie. J'ai vécu comme une exilée. Par contre dans le monde du travail, nous étions solidaires entre employés. Au travail j'ai rencontré une solidarité que je n'ai pas retrouvée au Pays Basque. Du point de vue littéraire, au début je pensais que je ne pourrais pas écrire, mais cene fut pas le cas, ce fut même positif. Quand j'écrivais en basque, je ne me sentais pas là bas. J'avais 28 ans quand je partis. Quand on revient, on se rend compte que les liens sont coupés avec certains. Au retour, il faut renouer les relations. Par contre, on retourne avec une autre envie de vivre et un autre goût d'écrire. Quand on revient au pays on se sent comme un étranger ; c'est pareil passer à l'extérieur un, cinq ou dix ans. En revenant au pays, il faut recommencer à nouveau. En ce moment vous vivez à Mauléon et bientôt à Bayonne. Vous vous déplacez beaucoup d'un endroit à l'autre? Oui. Du point de vue littéraire c'est positif. En juillet, je pars à Bayonne et à nouveau il va falloir que je constitue un réseau de relations. Je continuerai mon travail de postière, mais dans un poste différent. Il me semble que les changements sont favorables à l'écriture. La vie à Mauléon est tranquille, pacifique. Tu sens l'éloignement. Si tu ne veux pas voir certaines choses tu ne les vois pas. Ces expériences de vies différentes enrichissent. La vie à Mauléon ou à Paris est très différente. Je me déplace beaucoup d'un endroit à l'autre. Si vous restez toujours au même endroit, vous entrez dans une espèce de monotonie. Moi, plutôt, je passe beaucoup de temps à me projeter dans l'avenir, chercher des changements avec cette idée de nomade. J'ai du mal à m'imaginer, si je devais vivre au même endroit toute ma vie. Vous avez beaucoup :uvré en faveur de la langue basque et vous continuez. Comment avez vous commencé à Seaska et comment voyez vous la situation des ikastolas? Quand j'étais revenue de Paris, ma fille était enfant, et je l'avais amenée à l'ikastola de Mauléon. Il est vrai qu'au bout de quelques mois je m'étais impliquée dans la vie de l'ikastola puis à Seaska et cela fait 10 ans que je suis présidente à Mauléon. Puis quelqu'un d'autre me succédera. D'abord comme écrivain puis comme basque, j'avais l'impression que je devais m'impliquer dans le monde de l'enseignementen basque. Pour continuer à écrire il faut savoir où seront nos lecteurs. Dans l'avenir, nos livres devront être lus. Les aventures de Seaska me touchent depuis longtemps. Nous avons un long chemin à parcourrir. Nous n'avons pas de raisons d'être optimistes. Il est vrai que ces vingt dernières années, la langue basque s'est beaucoup perdue dans les villages ainsi que dans beaucoup de familles. Mais on peut dire qu'une génération l'a perdue et qu'une partie de la nouvelle génération apprend en basque et le parle couramment. En Iparralde il y a la possibilité d'apprendre en basque et puis il y a les radios, les journauxS. qui n'existaient pas à une certaine époque. D'autre part, pour vivre en basque on peut faire les achats dans les magasins où l'on parle basque. Ce n'est pas la même situation qu'en Hegoalde, ce n'est pas comparable. Ici on va à petits pas tantôt en avant tantôt en arrière. En Iparralde, comment voyez vous l'officialiation de la langue? En France tant que la loi n'est pas modifiée, ce sera difficile. Mais on peut la parler officieusement. Ainsi ceux qui parlent basque doivent s'en servir pour communiquer. Imaginons un endroit où j'ai l'habitude de me rendre plusieurs fois, si je me présente en basque, on finit par me connaître et à partir de là on a des relations avec ceux qui parlent le basque. Cela m'arrive souvent dans les cafés, les magasins.. Ce qui est important c'est de provoquer la demande, et c'est cela qui est officieux. Nous voudrions obtenir le plus tôt possible un système officiel d'éducation en basque. On travaille dans la basquisation et il y a de quoi faire. Le travail d'Euskal Konfederazioa est là? Oui, nous verrons ce qui se passera. Euskal Konfederazioa demande l'officialisation de la langue basque partout Comme tout le monde le sait, le 10 juin une grande manifestation a eu lieu, et l'appel de la société est bien là. Entre temps, comme vous le dites, il faut travailler la pratique orale, n'est ce pas? Oui. C'est ce qui nous revient.Et nous le faisons. Ma fille a 13 ans et je parle toujours en basque avec elle. A Mauléon aussi je parle basque. J'ai appris le dialecte souletin et j'essaie de le parler avec ceux des environs, les personnes âgées, les jeunes et avec ceux qui l'étudient. J'espère qu'à Bayonne je trouverai davantage de personnes parlant le basque. Tant qu'il n'y a pas d'officialisation, nous devons faire des signes d'appel pour utiliser le basque, car on ne sait pas si celui qui est en face est basque ou non. On se rend compte que le risque vaut la peine, si celui qui est en face sait le basque, une autre relation se noue. En ce moment c'est ce qu'il y a de plus important la pratique. Comment voyez vous les avancées technologiques actuelles, Internet, l'informatique? Globalement il me semble que ces avancées nous sont favorables. Par Internet ou par courrier électronique, je suis en relation aussiôt avec Aingeru Epaltza ou avec un ami écrivain de Galice. C'est un avantage considérable. Au sein de Seaska nous utilisons Internet et ceci facilite beaucoup la communication. Il est vrai qu'on voit de plus en plus de pages web en basque. Je crois qu'il faut utiliser toutes ces possiblités pour communiquer entre nous. Moi j'utilise plus le courrier électronique qu'Internet. Les relations sont plus faciles aujourd'hui avec les maisons d'édition. Imaginez vous dans les années 80, quand j'écrivais pour Argia, ce que je devais faire : à la maison je devais taper à la machine, aller à Bayonne, laisser la lettre dans l'autobus qui allait à Saint Sébastien, et là quelqu'un la récupérait et à nouveau devait copier tout le texte. Aujourd'hui, on peut passer un texte d'un ordinateur à l'autre. Certains pensent que le papier disparaîtra mais pour le moment il me semble qu'on utilise beaucoup de papier. Avez vous des projets dans le domaine littéraire? Oui, j'ai envoyé un livre à l'éditeur Susa. Je ne sais pas quand il sortira, mais je n'ai pas trop le temps d'y penser. C'est un roman en 40 épisodes,vu d'Iparralde. Des sujets divers comme la nuit, la route, les sentiments intérieurs, sont traités. C'est un sujet assez classique. J'ai passé beaucoup temps à rédiger la fin du livre. En dehors de mes heures de travail, j'écris tous les jours depuis l'âge de 12 ans. Il faut beaucoup de temps pour bien écrire mais je ne passe jamais huit heures en suivant à écrire. D'autre part je travaille pour Seaska, la Poste et la littérature. Photographies: Euskaldunon Egunkaria Euskonews & Media 84.zbk (2000 / 6 / 23 30) gratuita | Abonnement gratuit | Free subscription Eusko Ikaskuntzaren Web Orria webmaster@euskonews.com http://ikaskuntza.org/cgiBanner/banner.cgi?datos=masters&link=www.eusko ikaskuntza.org/masters/index.htm http://ikaskuntza.org/
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