Koldo Ameztoi: "Qui parle seme, mais qui se tait recolte"

2001-04-20

ARBELBIDE, Xipri

Elkarrizketa: Koldo Ameztoi Koldo Ameztoi, conteur "Qui parle seme, mais qui se tait recolte" * Traduction au français de l´original en basque Xipri Arbelbide Koldo Ameztoi est né dans un petit village d'Amikuze, aux temps héroïques de l'oralité où il n'y avait pas encore de place pour la télévision. Grâce à Koldo, cette oralité continue à vivre, car il vit de l'oralité: son métier est celui de conteur, au Pays Basque comme ailleurs. Il puise dans le trésor des contes d'hier et d'aujourd'hui, ceux d'ici ou ceux d'ailleurs parfois, sans compter ceux qu'il écrit lui même. L'inspiration ne lui serait elle pas facilitée par le voisinage des grottes d'Otsozelaia, repaire connu de Laminak ? Est il vrai que certains soirs de clair de lune il les observe monter et descendre par le fameux "sentier des Laminak" d'Eltzarruze: puisqu'il vit au pied de cette montagne ? Quel était l'atmosphère familial de votre enfance? Mes parents étaient Basques de naissance et de langue. Au temps de mon enfance c'était l'oralité qui régnait dans nos villages. Chez moi, il n'y avait pas télévision, mais seulement une radio qui ne parlait que Français. Chaque jour, mon père faisait le récit de sa journée en rentrant à la maison après le travail aux "Ponts et Chaussées". C'est ainsi que se nommait à l'époque: "l'Equipement". Il nous transmettait ce qu'il avait entendu sur les chantiers dans les trois langues : basque, gascon et français. Ensuite ma mère nous rapportait les petits événements du voisinage. Les fins de semaines, ma mère et mon père étant tous les deux chasseurs et pêcheurs, nos oreilles collectaient encore... deux fois plus de récits: «Qui parle sème, mais qui écoute récolte!» Ou le contraire? Ce qui fait que vous êtes devenu amateur de paroles et de cultures? Oui. Mon esprit était toujours ouvert aux diverses langues, aux mots. Toujours à l'affût. Ca reste toujours vrai: mon esprit est perpétuellement attiré par la langue et la culture basques, et les cultures arabe, africaine etautres (chant, musique, langue, mode de vie, cuisine...). J'ouvre grandes les portes de mon coeur et de ma maison à l'ami qui vient de loin pour nous rendre visite, comme à mon propre voisin. De bon cœur et avec joie. Comment vous êtes vous lancé sur les chemins du théâtre? Depuis tout petit j'étais solitaire et secret, un garçon silencieux et timide. Est ce pour découvrir mon côté le plus hardi, je ne sais. J'ignorais même qu'il puisse exister. Toujours est il que j'eus l'occasion d'entrer au club théâtre du lycée et je me suis lancé ainsi. Et j'eus la chance de rencontrer un jour cette hardiesse qui était cachée en moi. Quelle joie! Quel bonheur! A partir de là j'ai participé à de nombreux stages de théâtre avec les acteurs du "Théâtre des Chimères" et des artistes d'ici, de là bas (j'étais toujours le seul Basque au milieu des autres, en compagnie surtout de filles) pour travailler masque, respiration, déclamation, chant, improvisation, danse, conte... Nous recherchions, approfondissions et mettions à l'épreuve, équilibre et déséquilibre corporel, intérieur... Même si tout cela ne m'a pas libéré de ma timidité, l'expérience de ces chemins de traverse fût enrichissante. Vraiment. A la même période je travaillais avec les compagnies de théâtre "Hiruak Bat" de Garazi et "Bordaxuri" de Hasparren. Exercices pratiques. Ensuite vous avez fait le choix du métier de la "parole". De tout temps j'ai rêvé d'un métier artisanal, manuel et solitaire. Dans ma jeunesse, j'ai fait quelques expérinces en ce domaine: après avoir étudié les techniques de la construction pour être ensuite salarié, garçon boucher; maçon, menuisier, ébéniste, dessinateur en bâtiment et même un peu architecte. Et ça continue, car je pense que je suis toujours un artisan. En ce Pays Basque Nord, les premiers pas du patriotisme, le chant basque, le nouveau théâtre, le mouvement des premières Ikastola et le fait de faire un bout de chemin avec les enseignants d'AEK (j'ai été trois ans durant salarié d'AEK)me poussèrent sur la route de l'artiste, l'euskara et la culture basques sous le bras, le conte me servant de bâton du randonneur. J'allais entreprendre le tour du Pays Basque et continuer encore plus loin mon "compagnonnage" pour tracer par la suite mon chemin vers le métier de conteur. Mais pas n'importe quel chemin: pour dire "non", faire "oui" vous alliez être forcé d'emprunter aussi d'autres sentiers. N'est ce pas? Lorsque j'étais au Primaire j'avais déjà commencé à dire et à faire "non", à l'école même et à l'église ensuite. J'ai toujours en mémoire quelques petites rebellions. Même si je ne voyais pas toujours très bien ce que je voulais, je savais fort bien ce que je ne voulais pas. Plus tard, jamais je n'ai dit un « oui » franc et massif à aucun enseignant, patron ou toute autre autorité. Je me suis toujours réservé une part de "non" dans mon esprit et dans mes actes, comme pour m'assurer un peu de liberté. Maintenant encore, pour choisir et mener mon travail solitaire, ma vie d'artiste ; et faire suivre le meilleur chemin à l'art de conter, je sais souvent dire « non ». Ces choix n'arrondissent pas mes fins de mois, au contraire, mais... il faut avoir l'audace de le faire. Sinon! Vous vous rendez compte par la suite que deux "non" vous donnent l'occasion de dire et de faire un bon "oui", finalement. Le propriétaire de la maison où je vis dit souvent: « je préfère que mes moutons se remplissent bien le ventre une fois, plutôt que de rester deux fois avec la faim ». Vous allez donc en solitaire, votre valise pleine de force et... de faiblesse? Oui. Je suis un solitaire dans mon travail et aussi comme militant, offrant toujours mon aide le plus sincèrement possible, sans jamais reculer devant les actions les plus humbles. Je crois à la force du groupe et je n'ai aucun problème à l'accepter mais à condition qu'il soit l'addition d'individualités... Sinon, zéro! Le groupe ne vaut pas grand chose et ne durera sûrement pas. Mes créations les plus importantes s'appuientpour la plupart sur la mythologie basque. "Ibarxola" en solo, "Apanize" avec le musicien Pascal Gaigne, "Maribil" avec Maddi Oihenart, "Makilargi" et enfin, "Harriola Marriola" sur lequel je travaille actuellement. Je vis en travaillant ces contes pour ensuite les vendre et les conter. A force de temps, en roulant sans cesse ma bosse par monts et par vaux, en partant du Pays Basque Sud, conteur dans les festivals de contes en France et par toute la Francophonie... Sans demander d'aides financières, laissant de côté dossiers, bureaux et toute la machinerie aux subventions, sans me courber devant les politiques, je vais toujours de l'avant... Leur adressant de loin un petit bonjour, car mieux vaut garder ses distances. J'ai ainsi l'esprit et la parole libres, et encore plus de liberté pour agir. Il semblerait que vous utilisiez avec autant d'aisance les éléments d'une vie passée que les richesses qui nous sont proches. Mon rythme de vie et de travail, les coins paisibles et le silence que je recherche (ma compagne vous dirait que je suis un ours), et le fait que je me sente mieux avec deux copains qu'en présence de deux cents, me donnent le loisir d' écouter et de jouir de tout ce qui m'entoure. En les approchant, j'essaie de humer, de lire, de voir et de connaître, d'entendre et de cueillir les signes, les symboles, les traces, les vestiges, les images intérieures et extérieures, les noms et les êtres, les rites et les mythes, ce que l'on voudrait nous cacher sans le pouvoir, les idées et les rêves que renferment depuis toujours notre terre et nos gens, la nature et les éléments. Tout ceci m'aide à structurer intérieurement la matière à partir de laquelle je crée, donnant à chaque conte un peu d'âme et d'esprit. Même si les auditeurs ne voient pas au tout premier coup d'oeil, les oreilles doivent entendre !... Peut être qu'ensuite ça restera quelque part, dans un recoin de leur esprit. C'est vrai pour certains. Mais pas pour tous. J'ai été élevé dans une ambiance paysanne,plongé en plein dans la nature, (même si je n'étais pas fils de paysan.) C'est pour cela que j'ai toujours en tête (et bien souvent devant mes yeux) animaux et plantes, plaines et montagnes, forêts et ruisseaux. Nous vivons dans la nature et celle ci, qu'on le veuille ou non, nous emmène toujours de l'avant dans la vie. Seriez vous en train de remplir le grenier de l'avenir en amassant les récoltes d'hier et d'aujourd'hui. C'est un de mes buts. L'oeil aux aguets et l'oreille dressée je vais pour découvrir, connaître et comprendre tout ce que je peux dans les croyances d'hier, religions et foi, fêtes et rituels d'aujourdhui, d'ici et de là bas, mon coeur et mon esprit ouverts à tous, avec respect et curiosité. Il m'arrive aussi souvent, d'essayer de comprendre les spiritualités contemporaines et celles qui nous ont précédées., d'imaginer des liens entre elles. Je sais que je ne suis pas le seul. Il y a aussi d'autres artistes tout aussi sensibles et éveillés, poètes, musiciens, chanteurs, peintres, sculpteurs, car "une esthétique sans âme ne peut, seule, aller bien loin. Attentif à la vie du Pays Basque et d'ailleurs, à tout événement d'hier, d'aujourd'hui et de chaque jour, je veux en tenir compte. D'une part pour savoir, et, pour continuer avec ces éléments, le travail de création dans la tradition vivante. Est ce que pour le conte, comme pour les autres arts, il faut d'abord être humain et artiste ensuite? Un peu des deux. Je suis ce que je suis, avec mes forces et mes faiblesses. Avec beaucoup de travail et un peu d'audace. Dans le conte je continue à être serviteur de la parole. Il faut d'abord trouver les éléments du conte, les composer, les travailler, leur donner de la consistance, de la vie, en faisant appel parfois à un ou autre ami artiste. Et ensuite, je raconte, pour restituer de bouche à oreille, d'une façon ou d'une autre à nos compatriotes leur trésor, leur héritage, et aux étrangers ce que je sais sur nous mêmes. Pour aller où ? Je ne le sais. Maisje crois que, comme toujours, j'arriverai avec un peu de retard... Je me suis lancé dans le métier de conteur à 30 ans, j'ai eu mon premier fils à 40 ans, je construirai ma maison à 50 ans et, comme me disait un ami, "tu mourras certainement après les autres." On verra ! En attendant, je tiens « à vivre jusqu'à mourir ». Photos: Jean Claude Broca Euskonews & Media 119.zbk (2001 / 4 / 20 27) Eusko Ikaskuntzaren Web Orria
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