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Carmen Gallego Muguruza / Ancien professeur d'Education Secondaire. Ancien proviseur du collège et lycée Koldo Mitxelena de Errenteria

2020/03/23

Carmen Gallego Muguruza / Ancien professeur d'Education Secondaire. Ancien proviseur du collège et lycée Koldo Mitxelena de Errenteria

Quel est le système éducatif dont l’Euskal Herria du XXIe siècle a besoin ?

Pour répondre à la question de savoir quel est le système éducatif que nous voulons pour l’Euskal Herria au XXIème siècle, il faut d’abord se poser d’autres questions. En effet, comme l’indique très à propos Iñaki Martínez de Luna, les particularités d’un système éducatif sont intimement liées à celles de la société dans laquelle il s’intègre. Par conséquent, la première question que nous devrions nous poser est donc, quel est l’Euskal Herria que nous voulons pour le XXIème siècle ?

Afin de trouver une réponse à ces questions, nous devons d’abord porter un regard sur la situation actuelle d’un point de vue éducatif. A l’aube de la deuxième décennie du XXIème siècle, nous trouvons en Euskal Herria trois systèmes éducatifs différents, dont le seul lien apparent est l’euskara :

  • Le système de la Communauté Autonome Basque ou Euskadi. Ce système, vieux de 40 ans et complètement bilingue euskara-espagnol, est bien vu par la société et obtient d’assez bons résultats. Parmi les défis à relever, il convient de citer les intenses transformations endurées par la société d’Euskadi, avec notamment l’arrivée d’importants groupes d’immigrants ainsi que l’introduction du trilinguisme (euskara, espagnol et anglais) qui a vocation à s’étendre à tout le système.
  • Le système de la Communauté Forale de Navarre est très similaire à celui de Euskadi. La plus grande différence est la division du territoire en trois zones : bascophone, mixte, et non-bascophone. L’euskara est la langue véhiculaire dans la première zone, ainsi que partiellement dans la deuxième mais est absent de la dernière zone.
  • Finalement, le système du Pays Basque Nord, ou Iparralde. Il s’agit du système commun à toute la France, avec pour particularité la présence grandissante de l’euskara. Cela est notamment dû au réseau d’ikastolas  Seaska qui regroupe environ 4000 élèves et qui est le seul permettant d’étudier intégralement en basque jusqu’au lycée. Le système bilingue Ikas-Bi, propre aux centres publics, est également présent de la maternelle au primaire.

La présence de l’euskara en Iparralde est de plus en plus grande mais elle est confrontée à deux barrières considérables. D’un côté, l’Etat français qui semble mener une opposition sourde contre le développement de l’enseignement de toute langue autre que le français. Cela est visible au travers de la limitation du nombre de postes d’enseignants bascophones, ou encore à travers cette interdiction de pouvoir passer l’ensemble des épreuves du baccalauréat en basque ou en breton. D’autre part, l’usage de la langue basque étant encore très limité dans les institutions, de même que peu valorisé sur le marché du travail, il existe peu d’éléments incitant son apprentissage au-delà d’une connaissance superficielle.

Comme conséquence, si les élèves apprenant en basque sont relativement nombreux en maternelle et en primaire, leur nombre chute dramatiquement à partir du collège et au lycée.

Ces trois systèmes n’ont que très peu de rapports entre eux, en particulier entre Iparralde et Hegoalde. En effet, Euskadi et la Navarre partagent le cadre législatif et administratif espagnol qui leur permet une collaboration plus simple et plus fonctionnelle. Deux exemples suffisent pour montrer cette douloureuse réalité :

  • Les élèves du Lycée Etxepare, seul lycée d’Iparralde entièrement en basque, ont beaucoup de difficultés pour accéder au système universitaire bascophone du Pays Basque sud. Pour cela, ils doivent en effet passer les épreuves espagnoles PAU (épreuve d’accès à l’université) organisées par une université du Pays Basque Sud. En effet, de ce côté de la Bidassoa, le système d’enseignement supérieur est, de fait, intégré dans le système espagnol et ne reconnaît pas le baccalauréat français.
  • Quand j’étais proviseur d’un lycée public situé à Errenteria, à 12 km de la frontière, nos élèves participaient à des rencontres de sports scolaires avec des élèves d’Iparralde organisées par la Diputation Forale du Gipuzkoa. Les jeunes du Nord ne parlant ni l’euskara ni l’espagnol, et les jeunes du Sud ne parlant pas un mot de français, à notre grande surprise ils ont fini par se comprendre…. en anglais !!!

Je crois donc que pour penser les grandes lignes d’un système éducatif pour l’Euskal Herria du XXIème siècle, nous devrions commencer par mieux nous connaitre, par avoir plus de relations, en commençant par les professeurs et les élèves.

Si cette démarche de rapprochement est relativement simple à mener avec la Navarre, avec qui nous partageons beaucoup, elle me semble un peu plus compliquée avec Iparralde. Dans ce cas, les différences sont plus grandes et elles nous obligent à plus d’imagination et plus d’empathie pour y arriver. De nos jours, la langue et culture françaises ont un poids très important en Iparralde et beaucoup de personnes n’associent encore le Pays Basque Sud qu’à la fête et la gastronomie. En fait, l’ignorance sur la situation linguistique, culturelle, économique et sociale est mutuelle entre les basques des deux rives de la Bidassoa.

Quand les frontières ont disparu en 1990, nous étions nombreux à penser que cet évènement historique entrainerait plus de proximité dans nos relations, menant à la formation d’un « esprit de pays » par-dessus les frontières administratives. Malheureusement, la réalité est autre et les basques des deux versants des Pyrénées semblent s’éloigner de plus en plus.

Un des problèmes principaux de cet éloignement est sans doute l’incompréhension linguistique. Le français a quasiment disparu de Hegoalde, notamment chez les jeunes, et le basque et l’espagnol sont encore trop peu présents en Iparralde. Le système scolaire d’Euskadi a fait le pari radical de l’anglais, entraînant malheureusement la disparition du français. C’est peut-être par-là que nous devons commencer à tendre des ponts.

La création d’un système d’éducation basque pour le XXIème siècle ne peut être un processus d’imposition. Pour cela, il vaudrait mieux se connaitre, identifier les points en commun et créer un projet de système éducatif qui réponde aux besoins de nos sociétés. Ces bases doivent surgir de la société civile : associations, professeurs, sympathisants, et de collectivités locales.

Un bon exemple de ces initiatives est le projet de l’école basco-française Larrun que nous sommes en train de mettre en marche à Donostia. Il s’agit d’une école trilingue euskara-français-espagnol qui répondra au besoin de création d’une identité transfrontalière. Commençant avec des classes de 2 et 3 ans, le but est de croître naturellement, année après année, jusqu’à l’obtention du BachiBac. Ce double diplôme reconnu par la France et l’Espagne, n’est actuellement proposé par aucun centre scolaire d’Euskadi.


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